Le plateau est sobre, faiblement éclairé, tout en nuances de gris. Sur un grand cercle tracé au sol, des objets de la société de consommation : pneu, vieil aspirateur, cassettes VHS, chaussures compensées… mais aussi, rose des vents, étoiles, planètes… Le public s’installe confortablement tout autour du cercle, il se trouve ainsi au cœur de la performance.
Abadir évoque le passé et se tourne résolument vers le futur. La danseuse et chorégraphe Faustine Moret se souvient avec tendresse de la vie de ses grands-parents. Les Trente Glorieuses leur ont permis de passer du statut d’ouvrier à celui d’entrepreneur et de propriétaire. Durant ces années, contrairement à aujourd’hui, tout était possible ! La talentueuse chorégraphe propose de s’échapper du désenchantement qui a suivi la forte croissance économique. Elle ouvre des pistes qui oscillent entre exploration spatiale et aspiration New Age. L’espace symbolise la conquête humaine, la nécessité d’innovation et de possession mais également la recherche de communion entre les êtres, la spiritualité, la quête de sens... La danseuse évoque de manière douce et drôle la mort, les comportements alimentaires autodestructeurs, elle rêve, se lance des défis… un voyage intérieur qui s’ouvre à tous les possibles. Il ne s’agit pas de comprendre ce langage poétique mais bien plus d’accueillir ses propres émotions et de chalouper à travers ses imaginaires.
Abadir est une création de plateau. Au départ Faustine Moret a quelques intuitions, des images mais tout est ouvert, tout est à inventer ! L’équipe artistique crée ensemble le spectacle en faisant appel aux techniques surréalistes et dadaïstes, aux rêves, à l’écriture automatique…Les propositions sont accueillies avec beaucoup d’attention par la chorégraphe : « Faustine a une très belle capacité d’écoute, chacun s’exprime librement et peut lire sur son visage si la proposition fait sens ou non ; c’est très circulaire, en dialogue constant » relate Anne Romero, la costumière. Faustine Moret précise : « C’est une codécouverte, chacun se raconte une histoire et la partage à l’ensemble de l’équipe. Les rapports humains sont très horizontaux, le niveau artistique très hiérarchisé. »
Venez rêver, vous émouvoir, vous consoler des Trente Glorieuses et laissez-vous emporter par la musique de Djamel Cencio et les chants émouvants de Faustine !
Geneviève Praplan