Allô ! Non, mais, Allô quoi ?
« DIEstinguished » de la Ribot !
Le spectacle où on utilise son propre téléphone portable !
Acte I : vendredi 3 mars 19h00, la saturation
Prélude : Je renonce rapidement au Natel. (Le spectacle est filmé par les danseurs eux-mêmes et
retransmis sur nos téléphones.) Je me concentre sur la scène.
Pourquoi passer son temps au spectacle, art voulu vivant, en étant rivé sur son téléphone ?
Scène 1 :Je suis happé par les mouvements des danseurs qui nous plongent dans une société en
agitation perpétuelle, sans communication réelle entre les protagonistes. Vertige ! C'est édifiant !
Scène 2 : Je suis interpelé par cette débauche de vêtements que les danseurs, se jetant au sol, nous
imposent. Satyre d'une société de consommation, tant de choses inutiles ...C'est coloré !
Scène 3 : Les danseurs entament un trio : frottement, promiscuité, échange de vêtements,
recherche d'identité, de genre, de sexualité, de communication ... C'est troublant !
Scène 4 : le texte et ...je décroche !
Acte II : samedi 4 mars 15h30, la rencontre
Maria Ribot nous accueille avec un grand sourire.
D'emblée, on sent son envie de partager.
DIEstinguished est né juste après le confinement. D'où cette volonté d'aller très loin dans les
scènes qui s'étirent... au risque de lasser, d'épuiser le spectateur, pour nous mener vers une forme
de saturation.
Elle nous parle du rôle du téléphone portable, multiple de sens :
« Je m'immisce dans l'univers des spectateurs en utilisant leur téléphone. »
Dénonce-t-elle l'usage et la prolifération d'images de notre ère hyper-médiatique ?
« Je déteste les écrans sur la scène. »
Et en même temps ...
« Je veux transmettre l'expérience du danseur. »... par le biais de caméras intégrées au spectacle
et menées par les danseurs eux-mêmes.
« Je cherche comment la danse peut se placer ailleurs que dans le corps des danseurs. »
Je raccroche et décide de revoir le spectacle.
Acte III : samedi 4 mars 19h00, un spectacle aux multiples dimensions
D'emblée, mon intention est d'accepter la proposition de la chorégraphe : alterner mon attention
entre le travail sur scène et mon téléphone. Je m'attendais à me sentir voyeur. Je suis frappé par
un autre aspect visuel : le spectacle gagne une dimension ... physique. J'ai l'impression qu'on
accède à une perception de volume. Le virtuel de mon téléphone ajoute un espace de vision, de
perception, d'échange. Le spectacle prend corps. Et c'est passionnant...
De la proximité de la caméra naissent aussi des sensations d'érotisme, parfois proches de certains
codes de la pornographie, de corps en difficulté à se rencontrer
... mais aussi d'humour, de légèreté...
Une promiscuité qui peut être dérangeante mais qui nous délivre réellement certaines intentions
de la chorégraphe : entre intimité et voyeurisme, entre débauche et subtilité, entre dénonciation et
provocation.
Alain Bonvin