Quand je pense à mon village ...
Le TLH cartonne, cette semaine, avec le spectacle d'Emeric Cheseaux.
C'est bondé. On a sorti les listes d'attente. Tout le monde est heureux, enchanté, ému.
C'est mérité, ne faisons pas la fine bouche.
Emeric Cheseaux est un acteur brillant.
Sa galerie de personnages est impressionnante. Ses transitions de l'un à l'autre sont époustouflantes.
Sa présence en scène force l'admiration.
Il y a de la générosité, de la sincérité, de l'enthousiasme, de la vérité.
Son texte est drôle, fin, parfois un peu lisse, parfois un peu plus acéré. Beaucoup de tendresse se dégage de tous ces portraits. Son sens de l'observation est redoutable et au service d'une galerie de figures hautes en couleurs.
J'ai ri, sincèrement ... même si mon rire était parfois teinté d'une certaine nostalgie car les anecdotes relèvent souvent une forme légère, involontaire d'incompréhension devant un parcours unique et nouveau.
Emeric a une vraie singularité et on ne peut que se réjouir de voir éclore une vraie personnalité dans le théâtre valaisan.
Malgré cela, je suis sorti avec deux interrogations que je tiens à vous partager.
Mettre des bémols est toujours un acte difficile.
Je me suis questionné sur la forme. Il est étonnant que des élèves fraichement sortis de la Manufacture nous présentent un format « peu inventif ».
Où sont passées la créativité, la recherche, la provocation ? On a un peu affaire à un spectacle de stand-up, version très à la mode dans l'humour.
Il est important de dire que c'est un premier spectacle produit probablement avec très peu de moyens.
Mais... après le spectacle décevant de Simon Romang sur « sa grossesse », présenté en début de saison et avant celui, probablement beaucoup plus irrévérencieux de Rébecca Balestra, il est étonnant de voir le Théâtre Les Halles programmer autant de spectacles d'humour.
Le deuxième aspect qui me questionne est lié à un certain esprit de clocher valaisan.
Les valaisans adorent les spectacles de valaisans qui parlent d'eux.
Sous forme de provocation, on peut se demander si le public debout n'ovationne pas essentiellement l'un des leurs ...même si il exprime, avec talent et malice, certaines différences ou certaines critiques ? C'est troublant et touchant à la fois. On aime bien être un peu titillés par les nôtres, il est vrai, un peu ...mais pas trop.
Ces questions, plus larges, ne doivent pas vous retenir d'aller suivre les aventures d'Emeric et sa famille au Théâter Les Halles ou ailleurs.
L'humour, la tendresse et l'intégrité de son témoignage vous combleront d'émotions.
Et cela vous donnera vraiment l'occasion de découvrir un acteur prometteur et un regard, une écriture pointue sur le parcours d'un jeune en recherche au début du 21ème siècle dans un village tout proche.
Alain Bonvin