Pari réussi pour Ludmilla Reuse et sa première mise en scène enthousiasmante ! Des comédiennes époustouflantes, une mise en scène originale et subtile, une ambiance digne des plus sombres tripots de la mafia et des plateaux TV les plus stupides, un rythme qui vous prend aux tripes, un propos d’actualité, grinçant, qui résonne en nous et sonne si juste… On rit (jaune), on sourit, on est bouleversés par les images renvoyées… A voir par toutes les femmes qui s’interrogent sur l’égalité des genres, par tous les hommes qui ignorent encore leur sexisme au quotidien et se demandent pourquoi diable les femmes protestent.
Ludmilla Reuse, qui a grandi dans le milieu cinématographique, s’interroge sur le paternalisme qui plombe l’histoire du cinéma. Elle ne se sent pas reconnue dans ces films qui ont mal vieilli. La jeune metteuse en scène veut montrer où on en est aujourd’hui dans le cinéma. Quelle place pense-t-on donner aux femmes, quelle place elles ont réellement. Encore trop souvent, les femmes sont réduites à des rôles secondaires, des rôles clichés, stéréotypés. Elles servent les personnages masculins mais on ne s’intéresse pas à leur parcours. Mères ou épouses, elles subissent la violence des hommes.
Ludmilla Reuse se sert de la caricature pour mettre en valeur ce qu’on ne voit pas. Après les premières scènes drôlesques qui font clairement référence au cinéma et à la télévision, le propos d’élargit… Les scènes violentes vont au coeur du sujet dans le but de lutter contre les stéréotypes de la vie quotidienne.
Les fans de cinéma reconnaîtront des scènes culte de « Pulp Fiction, « Le parrain », « Casino », « Les affranchis ». Des scènes ici reproduites au théâtre et dans lesquelles les rôles sont inversés, faisant ressortir le non-sens de la situation. Mais inverser les rôles ne résout pas le problème. Le regard ne change pas. Le regard reste masculin, sexualisant, « the male gaze » a la vie longue…
En Iran, les femmes manifestent pour leur droit à enlever le voile ; en Afghanistan, pour le droit d’étudier ; en Occident, pour être regardées autrement que comme un sex-toy. Le Moyen Âge s’est arrêté en 1492. Vraiment ?
A voir absolument au théâtre les Halles jusqu’au 15 octobre. www.theatre-leshalles.ch
Anne-Dominique Zufferey